KarlNickel, journaliste de PG-Conditions, demande : "Je suppose que (l'incertitude des prévisions) est surtout due à la grande quantité de données et de paramètres qui sont difficiles à saisir par calcul ? Je serais curieux de savoir ...si dans 10 ans environ, on pourra aussi faire des prévisions fiables à 7 jours". Les capacités d'oracle des prévisions météorologiques modernes sont limitées par différents facteurs:
La base de données
Un modèle météorologique a besoin d'un état initial à partir duquel il se projette dans l'avenir. S'il ne sait pas comment est le temps aujourd'hui, il ne peut rien dire sur le temps de demain. Au CEPMMT (Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyenne échéance), environ 8 millions de points de données d'observation sont traités chaque jour. Ces informations proviennent entre autres de stations météorologiques au sol, de navires, de bouées, d'avions et de satellites et proviennent du monde entier. Il y a souvent des données erronées, les mesures sont partout différentes et il y a naturellement plus de données provenant des agglomérations que du Sahara ou du pôle Nord. Il faut donc investir dans le contrôle de la qualité et l'interpolation spatiale et temporelle avant de pouvoir présenter à notre modèle un état initial raisonnablement utilisable.
Capacités de calcul
Nous avons donc maintenant un énorme amas de données sur lequel nous voulons appliquer divers calculs pas tout à fait sans complexité. Ah oui, et puis nous devons aussi tenir compte de la topographie, car nous avons besoin de l'Arlberg dans le modèle pour voir s'il y a des bouchons au nord. Nous pouvons calculer tout cela maintenant, mais même les superordinateurs les plus puissants sont tout simplement trop lents pour calculer la meilleure résolution possible et en venir à bout en temps voulu. Nous devons donc décider si nous voulons des prévisions à petite échelle et à haute résolution pour une courte période, ou des prévisions plus grossières pour une période plus longue. Certaines personnes affirment que l'on pourrait déjà aujourd'hui obtenir des prévisions presque parfaites à 24 heures, mais que le calcul prendrait deux jours, ce qui ne servirait à rien.
Le chaos
L'atmosphère de la Terre est un système chaotique. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de règles du tout, mais cela impose certaines limites théoriques et pratiques à la prévision numérique. Le chaos déterministe signifie que le système
est très sensible aux moindres changements des conditions initiales
et que les erreurs correspondantes croissent de manière exponentielle.
Le système n'est pas périodique, ce qui signifie qu'un état donné ne se répète jamais exactement.
Instabilité locale pour une stabilité globale. Les changements à petite échelle du système ne sont pas prévisibles, mais les changements à grande échelle le sont.
Le comportement du système n'est pas aléatoire, mais justement chaotique dans ce sens. On peut se représenter l'ensemble comme un sac de ski dans lequel on ne met pas seulement les skis et les bâtons, mais dans lequel on fourre aussi tout le petit matériel important, du pansement pour ampoules au tournevis. Avant de fermer le sac, nous savons assez précisément où tout se trouve. Ensuite, nous le mettons dans les bagages encombrants et nous ne le reverrons qu'après un vol long-courrier. En fonction de l'espace restant dans le sac, de la délicatesse des bagagistes et des turbulences du vol, la position du tournevis peut avoir complètement changé et nous savons seulement qu'il est (espérons-le) toujours quelque part dans le sac. Les skis restent toutefois plus ou moins à la même place en raison des conditions marginales (= dimensions du sac) et il ne se sera pas non plus soudainement transformé en vélo.
Alors...
Oui, il est tout à fait possible que nous ayons de bonnes prévisions à 7 jours dans 10 ans. Pour cela, nous avons besoin d'ordinateurs plus rapides et de meilleures conditions initiales (données d'observation). Il y aura quand même des prévisions meilleures et moins bonnes, selon les conditions météorologiques (si nous prenons le train en première classe d'Innsbruck à St Anton, le tournevis dans le sac de ski aura tendance à moins bouger que si nous prenons l'avion de Buxtehude à Srinagar et changeons cinq fois de train), et les prévisions ne seront probablement jamais complètement parfaites.
Conclusion sur la situation actuelle:
Le lecteur de PG No Friends on Powder Days demande : y a-t-il encore de l'espoir malgré le "machin oméga/éclatement de la vortex polaire" ? Eh bien, la chose Omega est comme un sac de ski complètement rempli lors d'un voyage en train tranquille - il y a très peu de chances qu'elle bouge. Vers la fin du moyen terme, les modèles montrent de temps à autre des variations qui pourraient modifier la situation météorologique générale, d'un lent glissement vers l'est de la dépression dans l'Atlantique et d'une situation sud-ouest qui en résulterait à un affaiblissement de l'anticyclone Omega et à un relâchement du blocage. Mais comme je l'ai dit, cela relève plutôt du domaine de la boule de cristal. Pour l'instant, il faut définitivement se préparer à du soleil en montagne et du brouillard élevé en plaine.