Après les accidents d'avalanche de degré 4 survenus au cœur de l'hiver 09/10, le débat sur les éventuelles poursuites pénales à l'encontre des freeriders et des randonneurs s'est à nouveau enflammé dans les médias. Stefan Beulke, avocat et guide de montagne, explique dans quelle mesure les freeriders doivent s'attendre à des conséquences pénales en cas d'accident d'avalanche.Malgré une planification correcte et un comportement adapté pendant une randonnée, et bien que les accidents d'avalanche soient heureusement très rares, un accident ne peut jamais être exclu. Pour toutes les personnes concernées, il s'agit d'une situation terrible - à la question de la propre culpabilité s'ajoute éventuellement l'inquiétude pour les amis blessés ou même le deuil pour leur mort. Si des personnes sont blessées ou tuées dans une avalanche, l'autorité de police compétente est tenue d'enquêter sur les raisons et les causes de l'accident. Et ces enquêtes ont effectivement lieu. En Allemagne comme en Autriche, par exemple, il existe des fonctionnaires de police spécialement formés pour enquêter sur les accidents de montagne et d'avalanche. On peut partir du principe que pratiquement chaque accident d'avalanche entraînant des dommages corporels (blessures ou décès) donne lieu à une procédure d'enquête pénale.
L'objet de cette procédure d'enquête est de déterminer si l'accident d'avalanche a été causé par un comportement fautif d'une ou plusieurs personnes et si cette ou ces personnes peuvent donc être tenues pour pénalement responsables.
Les considérations de droit pénal peuvent être très difficiles dans le détail et difficiles à comprendre pour un profane en droit. Tout accident d'avalanche n'est pas un délit. Mais en même temps, il faut se défaire de l'idée fausse selon laquelle les règles du jeu juridiques en haute montagne sont fondamentalement "différentes" de celles qui s'appliquent par exemple à la circulation routière ou aux terrains de sport. Malheureusement, les décisions concernant les accidents de montagne sont souvent prises par des juristes qui connaissent encore relativement bien la circulation routière et qui ont au moins quelques souvenirs de jeunesse d'un terrain de sport, mais qui n'ont jamais entendu parler de "freeride". Cela ne facilite pas les choses, mais les rend d'autant plus imprévisibles. Comme la pratique juridique courante varie selon les cas et les pays alpins où l'accident s'est produit, nous ne pouvons donner ici que quelques indications et informations générales. Nous allons donc tenter d'esquisser l'éventail des problèmes pénaux à l'aide de groupes de cas typiques.
Mise en danger de soi-même, mise en danger d'autrui et blessure de tiers
Chaque freerider peut se mettre en danger à sa guise, sans qu'on puisse pour autant le lui reprocher. Celui qui pense pouvoir se passer d'un bulletin d'avalanche et d'un kit DVA, et qui croit que les avertissements et les panneaux d'interdiction ne sont valables que pour les autres, pratique une gestion des risques originale, même si elle est complètement stupide. Du point de vue du droit pénal, cela n'est toutefois pas fondamentalement interdit - tant que rien ne se passe. Quant à savoir s'il s'agit d'une gestion judicieuse de la problématique, c'est une toute autre question.
Mais le principe selon lequel il n'y a pas de règle sans exception s'applique ici aussi. En Italie, la situation juridique prévoit que le fait de mettre en danger les pistes de ski constitue déjà un délit. Celui qui, dans un espace skiable libre, déclenche de manière fautive, c'est-à-dire au moins par négligence, une avalanche qui touche une piste de ski située en contrebas, est punissable - même si aucun skieur n'est blessé ou même tué sur la piste de ski. Si un skieur est blessé ou même tué par l'avalanche, la responsabilité pénale éventuelle du freerider devrait être évidente pour tout le monde - si le freerider a déclenché l'avalanche par négligence.
Quand a-t-on déclenché une avalanche par négligence ?
Il est pratiquement impossible de répondre à cette question de manière globale et le juriste commence alors généralement par la phrase d'introduction : "Cela dépend si ?". En effet, cette question ne peut être évaluée qu'en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce. Il faut toutefois constater une chose sans équivoque : Plus les spécialistes hautement qualifiés se penchent sur le thème du danger d'avalanche, plus les institutions alpines proposent des formations et des perfectionnements intensifs et plus les rapports sur la situation avalancheuse et les méthodes de gestion des risques pour évaluer le danger d'avalanche s'améliorent, plus il sera difficile de qualifier chaque avalanche comme un événement totalement imprévisible qui n'aurait pas pu être identifié et donc évité, même avec une préparation et une planification minutieuses des randonnées. En d'autres termes : Si, après un accident, on veut invoquer le fait que l'avalanche n'était pas prévisible et n'a donc pas été provoquée par négligence, il faut déjà de bons arguments, par exemple un rapport favorable sur la situation avalancheuse et un contrôle positif des risques selon l'une des méthodes reconnues de gestion des risques (par exemple la méthode Munters 3x3 & réduction ou Stop-or-Go). Si l'on évolue dans la "zone verte" après ces infos et contrôles, il est également très probable qu'en cas d'accident d'avalanche, on puisse réfuter le reproche d'un comportement négligent.
Communauté de danger et guide de fait
Lorsque des freeriders évoluent ensemble dans le backcountry ou dans une zone de freeride, il peut s'agir de ce que l'on appelle une communauté de dangers. Il y a communauté de dangers lorsque les participants au groupe disposent pour l'essentiel du même niveau de connaissances et de formation et peuvent donc évaluer les risques pour l'essentiel de la même manière. Dans ce cas, chaque freerider est responsable de lui-même et, en cas d'accident d'avalanche, il est "lui-même responsable".
Il s'agit toutefois d'un cas idéal plutôt théorique. En effet, la pratique est souvent différente. Il n'est pas rare que l'un des membres du groupe s'érige en "guide". Souvent, un tel "leader" ne dispose d'aucune formation solide, seuls son goût du risque et ses capacités sportives, éventuellement associés à une "mentalité de loup-garou", lui permettent de devenir un leader. La question de savoir s'il s'agit effectivement d'un "guide" au sens juridique du terme, qui est également responsable de la sécurité des autres freeriders du groupe, dépend toujours des circonstances du cas d'espèce. Tous ceux qui font une entrée cool ou qui sont les meilleurs riders du groupe ne doivent pas porter le chapeau sur le plan pénal s'il se passe quelque chose. Il faut toutefois savoir qu'il existe aussi ce que l'on appelle le "leader de fait", qui peut très bien avoir une responsabilité accrue vis-à-vis des autres membres du groupe. Les guides de fait peuvent par exemple être des personnes qui, en raison de leur formation et de leur expérience, par exemple en tant que moniteurs de snowboard ou de ski, emmènent des amis et d'autres personnes en montagne sur une base non commerciale. Leurs accompagnateurs partent du principe qu'ils seront guidés sans danger par leur "guide". Un cas typique est celui où l'on "persuade" un "freerider" peu expérimenté d'effectuer une descente hors-piste exigeante, en expliquant que l'on a soi-même "tout sous contrôle" en tant que freerider "expérimenté" et que l'autre peut être sûr que tout va bien. Cela ne signifie pas que, parce que l'on a suivi une formation de freeride par exemple, on ne peut plus faire de freeride avec ses amis s'ils n'ont pas de formation. Mais si l'on promet la sécurité à ses amis en faisant explicitement référence à sa propre formation, il faut aussi être conscient que ceux-ci se fient à cette annonce - et peuvent s'y fier selon les principes juridiques reconnus. Celui qui se confie à un guide de fait n'agit plus sous sa propre responsabilité, mais fait confiance à la gestion des risques du guide de fait.
Excursions guidées à titre commercial
Si l'on se joint à une excursion guidée, par exemple un cours de freeride, une randonnée en snowboard ou à ski, on se confie à un spécialiste spécialement formé à cet effet : le guide de montagne et de ski diplômé d'État. Celui-ci est responsable de la sécurité de ses clients payants. Il faut toutefois être conscient que même un guide de montagne ne peut pas garantir à ses clients une sécurité à 100 %, car il est bien connu que celle-ci n'existe jamais en montagne.
Équipement
La question de l'équipement "adéquat" n'est pas seulement un thème récurrent dans les discussions sur la sécurité en montagne, mais aussi un "classique" dans le traitement juridique des accidents de montagne et d'avalanche. Celui qui n'a pas utilisé un équipement suffisant fait preuve de négligence si l'accident aurait pu être évité avec le "bon" équipement ou si du moins les conséquences de l'accident auraient été moins dramatiques.
La question de l'équipement ne devient toutefois pertinente que lorsqu'une personne doit répondre des conséquences de l'accident parce qu'elle était responsable de la sécurité d'une autre personne en raison de circonstances particulières. Si je suis seul sur le terrain sans DVA, c'est exclusivement mon problème, surtout si je suis enseveli. Si deux guides de montagne expérimentés décident spontanément de commencer une journée de ski de piste par une descente en hors-piste dans la neige poudreuse fraîche, même si on n'a pas d'appareil DVA avec soi, c'est leur libre choix. Et si l'un d'entre eux est enseveli par une plaque de neige et ne peut ensuite pas être localisé ni récupéré par son collègue, on ne peut que dire - c'est stupide, mais pas punissable.
Toutefois, celui qui est responsable de tiers, que ce soit en tant que "guide de fait" ou en tant que "vrai" guide, est également responsable du choix et de l'emport de l'équipement de sécurité nécessaire, y compris d'un contrôle de fonctionnement approprié. Le kit DVA, composé d'un détecteur de victimes d'avalanche, d'une sonde et d'une pelle, est la norme. Le responsable doit également savoir utiliser l'équipement de sécurité, car en cas d'ensevelissement sous une avalanche, chaque seconde compte.
Recommandation pratique
Indépendamment de la question des risques juridiques, il faut toujours bien réfléchir à la personne avec laquelle on part en freeride ou qui on emmène. La compétence et l'équipement de l'autre constituent en effet sa propre sécurité dorsale. De nombreuses personnes excellent dans le funpark ou au bar à neige. Mais un bon freerider doit aussi faire preuve d'autres qualités, telles que le sens des responsabilités et la conscience des risques, la fiabilité et la compétence, ainsi que le "snow-how", l'intuition, la prudence et la retenue, c'est-à-dire une "gestion des risques" intelligente.
Dr. Stefan Beulke
est avocat depuis 1990 et guide de montagne et de ski diplômé d'État depuis 1985. Il a été le deuxième président du VDBS (Verband deutscher Berg- und Skiführer) de 1992 à 2003.
En tant qu'avocat, il est spécialisé dans les accidents de montagne et de ski.