À quoi ressemblent les initiatives de transition des stations de ski aujourd’hui ?
Pour bien comprendre ma réflexion, il est nécessaire d’élargir l’échelle de lecture. Réfléchir au futur des stations de ski, ce n’est pas se focaliser uniquement sur les pistes de ski mais penser la station comme une composante d’un territoire plus vaste. Une station de ski est une station touristique intégrée à un réseau de transports, soumise à des politiques publiques, porteuse d’une activité économique ayant des répercussions sur d’autres secteurs d’activités du territoire. Une station de ski a besoin de ressources (énergie, eau, foncier…) sur un territoire plus large, sur lequel des personnes vivent à l’année et ont besoin de ces mêmes ressources. Finalement, interroger la transition des stations de ski, c’est interroger la vie sur les territoires de montagne.
La question centrale de mon travail de recherche a été d’identifier les formes concrètes que prend la transition. J’ai observé que la majorité des stations étudiées mettent en place une diversification touristique souvent centrée sur les activités récréatives. Celle-ci peut s’appuyer sur des pratiques existantes (VTT, luge d’été, randonnée…) ou sur de nouvelles formes de tourisme (bivouac, observation de la faune sauvage, sylvothérapie…). La diversification touristique peut également être culturelle et scientifique. C’est le cas de la Nuit des Chercheurs, proposée par l’Université Savoie Mont-Blanc, à Bourg-Saint-Maurice[15], un événement qui permet au grand public de découvrir des projets scientifiques. Enfin, la diversification s’exprime aussi par la valorisation du patrimoine local à plus large échelle. Dans le Vercors, par exemple, le Parc Naturel Régional revalorise les cabanes non gardées, patrimoine identitaire fort du territoire, afin d’encourager un tourisme plus « doux » (randonnée en été, ski de randonnée en hiver).
Cela dit, la diversification des activités touristiques est loin d’être un phénomène nouveau. La transition passe aussi par un changement dans nos modes de déplacements : remplacer les transports très carbonés par des mobilités plus douces (transports en commun, covoiturage, vélo-ski…). Gardons à l’esprit que la majorité des émissions d’une station provient des transports. Selon une étude de l’ADEME[16], 52 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées aux déplacements vers les stations. Prendre conscience de notre impact en tant que skieurs, c’est donc repenser notre activité à une plus large échelle.
Par ailleurs, la transition en station prend forme à travers de nombreuses initiatives environnementales portées par des acteurs variés : mairies, offices de tourisme, associations, socio-professionnels… Ces initiatives visent à protéger les zones naturelles sensibles, valoriser les parcs régionaux et nationaux, sensibiliser les jeunes publics ou encore organiser des fresques du climat pour les adultes. L’objectif est clair : préserver les milieux naturels et cultiver une conscience environnementale partagée.
Enfin, bien que peu mises en avant dans la presse, les démarches participatives et mobilisations citoyennes sont des éléments clés des dynamiques de transition. La coopération entre acteurs publics, privés, associatifs et civils constitue un levier d’action essentiel pour tendre vers un modèle touristique plus durable. Donner la parole aux citoyens sur les sujets qui les concernent transforme les modes de gouvernance. Les décisions politiques ne sont alors plus prises uniquement par des institutions parfois éloignées du terrain mais co-construites avec les habitants. Cette coopération permet de dessiner des trajectoires transitionnelles spécifiques adaptées à chaque territoire. La station de Tignes par exemple a lancé la consultation citoyenne Imaginons Tignes 2050[17] pour réfléchir avec les habitants à l’avenir de la station et aux orientations politiques à adopter. D’autres stations françaises, comme Bourg-Saint-Maurice-les-Arcs, Autrans-Méaudre, Serre-Chevalier ou Méribel, expérimentent elles aussi des processus participatifs.