Question de Tobi : Un météorologue, qui fait partie de ceux qui sont plutôt confiants dans leurs prévisions, m'a dit un jour que les situations météorologiques stables, c'est-à-dire longtemps bonnes ou longtemps mauvaises (c'est bien sûr toujours une question de perspective), ont nettement augmenté. Cela correspond aussi à ma perception personnelle, même si l'on peut se tromper lourdement. Existe-t-il des résultats empiriques à ce sujet ou que penses-tu de cette tendance ?
Oh là là ! Tobi a un talent bien connu du BlogMétéo pour les questions qui semblent simples, mais qui sont terriblement compliquées. Le BlogMétéo a fait des recherches et présente une étude qui tente approximativement d'y répondre.
Situation météorologique stable?
Nous nous demandons bien sûr d'abord comment quantifier "longtemps bon ou longtemps mauvais". Depuis quelques années, différents indices sont utilisés pour identifier les situations de blocage. Un tel indice, que nous appellerons B1D, d'après Barnes et al. (2012), définit une longitude comme bloquée lorsque le gradient de géopotentiel de la surface de 500hPa s'inverse pendant plus de 5 jours (c'est-à-dire en gros le vent d'est au lieu du vent d'ouest en altitude). La latitude à considérer est déterminée par le maximum d'énergie cinétique turbulente. En d'autres termes, on calcule pour chaque jour de l'année la latitude moyenne du "stormtrack" et on vérifie si tout y fonctionne.Un autre indice, D2D selon Dunn-Sigouin et al (2013), recherche les zones voisines d'anomalies de géopotentiel avec une inversion de champ de la hauteur géopotentielle absolue du côté le plus proche de l'équateur du maximum de l'anomalie. Si ces zones se chevauchent dans une certaine proportion d'un jour à l'autre et qu'elles persistent en outre pendant un certain nombre de jours, un blocage est défini.Un troisième indice, M2D selon Masato et al (2013), applique une tactique similaire à B1D, mais en deux dimensions. Ils recherchent une inversion du gradient de géopotentiel en relation avec la rupture des ondes de Rossby.
Y a-t-il des tendances?
Nous remercions Barnes et al d'avoir pris la peine de calculer ces 3 indices pour les 30 dernières années dans l'hémisphère nord, sur la base de différents produits de réanalyse du CEPMMT, de la NASA et du NCEP. Il faut d'abord trouver à quoi ressemblait cette étrange surface de 500hPa. Les tendances dans les indices sont calculées à l'aide de la méthode des moindres carrés et leur significativité est examinée.La figure suivante montre le nombre moyen de blocages par mois pour les années 1980 à 2012 et les périodes mensuelles décembre, janvier, février (à gauche) et juin, juillet, août (à droite) sur la base des données de réanalyse de la NASA pour les trois indices. On y voit également ce que signifie unidimensionnel dans le cas de B1D, ou bidimensionnel pour les deux autres. Les boîtes rouges et bleues indiquent les zones dans lesquelles la fréquence de blocage a changé de manière significative au cours de la période 1990-2012. La position et la couleur des boîtes changent en fonction des mois et des années que l'on regarde. La version présentée ici est une possibilité parmi d'autres et les auteurs de l'étude y voient surtout un signe qu'il n'y a pas d'augmentation générale des blocages dans l'hémisphère nord, mais que les changements, s'il y en a, sont saisonniers et varient selon les régions.
La figure suivante montre l'évolution des indices depuis 1948 sur la base des réanalyses du NCEP. On y voit la forte variabilité des indices et le fait que leur évolution ne coïncide pas dans toutes les régions. Pour toute grandeur qui varie fortement par nature, il est très difficile de séparer cette variation naturelle des tendances à long terme. Les auteurs de l'étude concluent en tout cas qu'il n'y a pas d'augmentation générale des situations de blocage, mais que des régions isolées présentent des tendances robustes (dans les deux sens) dans les indices à certaines périodes de l'année (pas l'Europe en hiver). Ils estiment qu'une corrélation avec l'étendue de la glace de mer arctique est possible, mais indiquent explicitement qu'il est complexe de déterminer clairement une telle corrélation. L'étude est relativement facile à lire et traite plus en détail de la glace de mer, au cas où cela intéresserait quelqu'un.
Nous voyons ici, comme ci-dessus, la fréquence de blocage pour l'hiver (à gauche) et l'été (à droite), cette fois-ci sur l'Europe pour les années à partir de 1980 et ventilée non seulement par indice mais aussi par les différentes réanalyses. Les tendances considérées comme significatives sont signalées dans les légendes par un astérisque sur le trait coloré précédant le nom du produit de réanalyse (p. ex. graphique en haut à droite pour MERRA et NCEP). Les points (étoiles) dans les courbes d'évolution indiquent les 5 années où l'étendue de la glace de mer arctique a été maximale (minimale) au mois de septembre précédent.
Conclusion
Les conclusions de Barnes et al. semblent indiquer qu'il n'y a pas d'augmentation du mauvais temps ou du beau temps, bien que le météorologue mentionné par Tobi ait peut-être d'autres conclusions. De toute façon, tout cela n'a que peu ou pas de rapport avec la perception personnelle, qui ne relève plutôt pas du domaine des sciences naturelles.
Perspectives météorologiques
Le temps changeant et doux de l'ouest se maintient. Un front chaud jeudi sera suivi d'un vendredi plus calme et relativement ensoleillé, puis de nouveaux petits fronts et d'un week-end mitigé. Tout cela n'apporte pas vraiment de neige, et encore moins à basse altitude. Un Noël blanc en plaine serait une surprise dans l'état actuel des choses. Dans le domaine de la boule de cristal, il existe toujours des options pour des hivers tels qu'on les imagine, mais ils existent déjà depuis un certain temps.