Dix hivers à ski en montagne
par Henry Hoek
Vous apportez avec vous les images de jours heureux, Et quelques chères ombres se lèvent.
Goethe
On a opposé le ski et l'alpinisme comme des concepts bien distincts, comme l'homme en général a une prédilection pour le sentiment de puissance de la division. Mais dès que l'on veut écrire sur le ski "en soi"", sur le ski détaché de toute relation, on se heurte à une difficulté singulière : ce détachement est presque impossible. Et la relation entre l'alpinisme et le ski, entre le ski et la montagne, s'avère être la plus difficile à résoudre. Le fruit de cette relation est l'objet de l'article suivant, qui traite du ski en montagne. Il est donc naturel qu'en introduction, il soit brièvement question de cette relation elle-même, qui a fait l'objet de jugements si différents selon le point de vue de l'observateur. Le lecteur peut exiger d'être éclairé sur le point de vue de l'auteur.
Ce n'est pas qu'il n'y ait pas déjà beaucoup de discussions de ce genre ! On s'est souvent plaint, par exemple : Le ski a empêché la réalisation de vraies bonnes randonnées hivernales. Et il n'a pas répondu à l'espoir que cette perte de qualité serait compensée par une forte augmentation des courses de haute montagne moins difficiles. Ces plaintes sont en partie injustifiées, en partie basées sur une méconnaissance de la pratique du ski et de la haute montagne hivernale. La forte augmentation attendue des grandes courses de haute montagne ne se produira pas et ne doit pas se produire ; les chiffres de l'été ne seront jamais atteints, même pas de manière approximative. La cause n'en est pas, comme on l'entend souvent, la pratique "purement sportive" du ski, ce que l'on entend par "courses, sauts et virages". L'énorme augmentation des courses subalpines prouve à elle seule qu'il n'en est rien et que la grande majorité des coureurs ne se soucie guère de cette activité. Le fait est que de nombreux alpinistes qui se sont mis au ski trouvent sur ces portes subalpines, en termes d'effort physique, de danger, de sollicitation mentale et d'activité sportive, ce qu'ils ont l'habitude d'accomplir sur des courses estivales de moyenne "qualité" ; les véritables courses de ski en altitude ne peuvent être effectuées avec plaisir que par une petite minorité - et encore, seulement sur un petit nombre de jours.
Et il faudrait d'abord examiner si la qualité des randonnées hivernales en haute montagne a vraiment diminué. Ce qui est sûr en tout cas, c'est que, pour parler des Alpes occidentales, le Finsteraarhorn, la Jungfrau, le Mont Rose, le Strahlhorn, le Mont Blanc, etc. n'ont jamais été aussi souvent gravis en hiver que depuis que l'on a recours aux skis, et surtout jamais par de si petites parties, souvent sans guide. Il s'agit certes d'ascensions tout à fait honorables, pour lesquelles on peut regretter que certaines véritables escalades n'aient pas été réalisées. Mais les représentants de l'alpinisme pur, qui se tiennent à l'écart en boudant, auraient aussi d'autres raisons de ne pas être trop fâchés que certains d'entre eux soient tombés dans les longs bois.
Je fais abstraction du fait que le ski est effectivement devenu un moyen technique, semblable aux crampons et aux chaussons d'escalade. Il s'agit ici de démontrer autre chose. On peut dire à juste titre que le ski est, par essence, de l'alpinisme, de l'alpinisme dès que l'on se sépare du terrain d'entraînement de masse, de l'alpinisme dans la mesure où l'on pose constamment des problèmes qui doivent être résolus, où l'on soulève constamment des questions auxquelles il faut répondre. Cela dépend bien sûr beaucoup de ce que l'on entend par "alpinisme"". Mais si l'on y inclut l'escalade des tours de grès de la Suisse saxonne, on ne voit pas pourquoi une randonnée forcée en pleine tempête de neige sur la crête des Monts des Géants n'en ferait pas partie, pourquoi on n'y inclurait pas la descente d'une pente difficile, dangereuse et déchirée de la Forêt-Noire.