Alors que l'hiver s'achève lentement mais inéluctablement dans les Alpes, la meilleure saison pour les aventures à ski commence peut-être au nord de la Scandinavie. Nous avons huit jours pour repérer les plus belles pentes, avec des descentes jusqu'au bord de la mer, sur les îles Lofoten, à 200 kilomètres au nord du cercle polaire.
Lorsque notre avion s'apprête à atterrir à Evenes, la lumière du soir transforme le paysage insulaire des Lofoten en un véritable conte de fées. Les reliefs blancs émergent de l'eau comme des icebergs : les îles se succèdent à perte de vue.
L'aéroport d'Evenes est d'un calme olympien, sans aucune trace d'agitation. La petite ville d'Evenes est trop éloignée de la civilisation et des villes de Narvik et Harstad. Il faut un peu de pression et de bourrage, puis nous avons effectivement placé tous nos bagages dans la voiture de location. Il est difficile de croire à quel point une Polo peut être grande.
Selon Google Map, il faut deux heures et demie pour atteindre Kabelvag, notre première destination. Ce petit village de pêcheurs est considéré comme le point de départ idéal pour les randonnées à ski dans les Lofoten. Nous sommes accueillis avec joie par Maren, qui gère avec son mari Seth le Lofoten-Skilodge et les Northern Alpine Guides. Demain matin, quelques locaux prévoient d'escalader le Geitgaljen. Une bonne occasion de nous rapprocher des montagnes avec un guide local et d'entrer en contact avec la communauté de ski locale.
Geitgaljen est, avec ses 1085 mètres, la plus haute montagne de ski des Lofoten. Il est le voisin direct de l'Higravstinden, qui culmine à 1146 mètres au niveau de la mer, mais ne peut pas être skié. Le rendez-vous est fixé à dix heures du matin dans l'une des stations-service de Svolvaer, la capitale des Lofoten. Nous roulons pendant vingt minutes le long de la route côtière jusqu'au petit village de Liland, sur les rives du Trollfjord, où nous fixons les peaux de phoque sur les skis et commençons à marcher.
En principe, il existe trois variantes d'ascension. La longue montée vers l'est, un couloir sud plus raide et la voie normale. Nos locaux optent pour la voie normale. Nous nous éloignons pas à pas du Trolljford par une montée tranquille et nous nous immergeons dans le paysage hivernal du massif Higravstinden. Au bout d'une demi-heure, nous atteignons le premier escarpement. Les températures chaudes des jours précédents et le gel nocturne ont formé une croûte. Des couteaux à glace seraient une bonne chose. Mais personne ne les a sur soi. Il faut donc monter les skis sur le sac à dos pour la première fois et gravir l'escarpement à pied.
Au-dessus de l'escarpement, nous attendons que notre groupe se soit rassemblé. La vue sur le fjord est grandiose. Ici, le temps semble être une catégorie inconnue : Les aiguilles de l'horloge semblent s'être arrêtées. Sur la haute terrasse, la montée redevient plus facile. Clac-clac-clac -- les fixations de randonnée donnent le rythme avec leur son habituel. Nous faisons une pause en dessous du deuxième escarpement. J'ai rarement, ou probablement jamais, savouré un sandwich au saumon aussi délicieux avec une telle vue.
Au-dessus de la deuxième marche, nous apercevons pour la première fois le sommet. Il semble que nous ne soyons plus très loin. Mètre après mètre, alors que nous poussons un ski devant l'autre, le terrain devient plus alpin. Pas étonnant que les locaux appellent cette chaîne de montagnes les Lofoten Alps.
La troisième pente raide qui monte vers l'arête est encore plus difficile. Dans des conditions de neige changeantes, nous montons virage après virage jusqu'à ce qu'il ne soit plus possible de continuer à skier. Sur les 80 derniers mètres de dénivelé, nous mettons nos lattes sur l'épaule et montons sur l'arête en passant par le flanc. 100 mètres de dénivelé nous séparent encore du sommet, les 100 plus exposés. Alors que les locaux laissent leurs skis sur l'arête, nous fixons à nouveau les nôtres au sac à dos. Il est vrai que la montée finale, raide, ne ressemble pas vraiment à de la poudreuse, mais nous ne voulons pas nous priver de descendre directement du sommet.
Avec nos piolets, nous poursuivons notre ascension et devons attendre quelques minutes pour laisser passer un groupe en descente. Au-dessus d'un bloc de glace, nous tirons vers la gauche, contournons la structure du sommet et nous retrouvons au bout de quelques minutes à la croix. Ouah ! Quelle vue ! Au fond de la vallée, les vagues du Trollfjord scintillent et, à droite, se dresse la crête pointue du Higravstinden. Nous n'arrêtons pas de sortir l'appareil photo. Pour ma part, j'ai du mal à exprimer la beauté de ce paysage majestueux.
Il est alors temps de nous préparer à la descente. Avec 50 degrés à l'endroit le plus raide, nous devons nous concentrer un instant pour la montée au sommet. La montée avait été glaciale. Nous glissons prudemment vers la partie raide. Quatre ou cinq sauts nous permettent d'atteindre la pente sommitale, sur laquelle nous traçons effectivement quelques tours de poudreuse.
Pour la suite de la descente depuis le dépôt de skis, nous choisissons la voie est. Nous sommes trop en retard pour le couloir sud. Aucune raison de risquer un accident par une si belle journée. Le principal avantage de la voie est est sa longueur. En passant par de larges cuvettes, la voie serpente autour du Geitgaljen pour descendre vers le fjord. Un large couloir, quelques virages à travers les arbres clairsemés et enfin un virage d'arrêt directement sur la plage. Quel début pour notre trip nordique.
Agréablement fatigués par les 1100 mètres de dénivelé, nous nous installons sur la terrasse devant notre cabane au Lofoten-Skilodge. Les petits bateaux de pêche dansent comme des bouées sur les vagues. Un barbecue serait parfait. Nous n'en avons malheureusement pas sous la main, mais nous avons une petite bière bien fraîche. Et après, oui, une longue soirée nous attend probablement chez nos nouveaux amis de Kabelvag.