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Interviews

PowderPeople | Manfred Oberegger & Albrecht Thausing

Falaise Pionniers des Alpes orientales

24/12/2020
Bernhard Scholz
Alors que Sylvain Saudan est devenu de plus en plus célèbre dans les Alpes occidentales pour ses descentes en falaise, Albrecht Thausing, Manfred Oberegger et Kurt Lapuch ont fait parler d'eux plus à l'est. Après que Lapuch se soit cassé la jambe lors d'une descente, c'est surtout Thausing et Oberegger qui ont fait la course ensemble. On leur doit notamment la première ascension de la gorge de Palavicini au Grossglockner.

Bernhard Scholz tient le blog skialpinist.com et travaille sur un projet de livre sur l'histoire de la descente en falaise, pour lequel il a mené des entretiens approfondis avec les grands noms des débuts et de la scène actuelle. Il met ici à notre disposition l'interview merveilleusement joyeuse, souvent surprenante, parfois réfléchie, de Thausing et Oberegger. Nous aurions bien aimé nous asseoir à la table de cet entretien et nous vous souhaitons une bonne lecture!

B : Comment, où avez-vous commencé à skier ?

ALBRECHT : J'ai appris à skier sur des skis en bois, sans carres bien sûr, elles sont venues plus tard. Avec la cire d'abeille, ils sont devenus très rapides et ça sent tellement bon. Il faut avoir vécu cela ! C'était encore en Styrie, d'où je suis originaire.

MANFRED : Chez moi, tout cela était à Salzbourg, c'est de là que je viens. Nous avions une sorte de baatz noir, qui s'appelait "Hofer Blitz". En dessous, il y avait le "vernis de base Glockner", un vernis d'apprêt rouge qu'on appliquait sur le bois. De temps en temps, on la ponçait et on la repassait au pinceau, et par-dessus, comme je l'ai dit, le "Hofer Blitz". C'était la seule cire que l'on trouvait chez nous à l'époque.

ALBRECHT : Chez nous, en Styrie, il y avait beaucoup de paysans et nous avions de la cire d'abeille. Elle était parfaite si on la repassait bien et longtemps - mais elle ne tenait pas longtemps.

MANFRED : Après la guerre, nous avons fait nos premiers essais de ski sur le Mönchsberg, ici à Salzbourg, où les hivers étaient encore rudes. Bien sûr, nous sommes aussi allés au Gaisberg, nous l'avons monté à pied, il n'y avait pas de remontées mécaniques. Il est amusant de constater qu'il y a encore un panneau indiquant un téléski, mais il n'existe plus.

La force motrice en ce qui concerne les sports alpins était Kurt Lapuch, qui a malheureusement fait une chute mortelle en 1999 dans la face ouest du Göll. Kurt était très actif et nous étions tous les deux très souvent en route avec lui. Escalade, randonnées dans les Alpes occidentales et aussi randonnées à ski. C'était lui l'esprit créatif en ce qui concerne les descentes de parois raides et il arrivait avec des propositions du genre : "là au Sonnblick, je connais quelque chose, on va le faire !" et nous l'avons fait. C'était en 1968 - en 67, j'avais encore une jambe cassée. Ça s'est bien passé, nous étions enthousiastes. Comme une balle de ping-pong, les idées allaient et venaient sur tout ce qui était possible. Je ne sais plus qui a eu l'idée de faire la face nord-ouest du Wiesbachhorn. Ça s'est bien passé aussi.

Kurt s'est fait un plaisir de le publier. Cela nous a bien sûr plu à nous aussi ; quand on voyait son propre nom dans le journal, c'était déjà bien. La femme de Kurt avait pris des photos au Fuscherkarkopf pour que Kurt puisse les publier. Mais je n'avais le droit de les montrer à personne. Elle les avait prises sous un mauvais angle, elle aurait dû les prendre "en surplomb", mais elle les avait prises normalement dans la paroi et tout avait donc l'air très normal et peu spectaculaire. Nous étions un peu ambivalents vis-à-vis des publications, parce qu'en fait, d'une certaine manière, cela "ne se faisait pas". Nous avions l'exigence éthique de ne pas trop en faire, contrairement à Kurt, qui a souvent mis le paquet. La chaîne de télévision autrichienne ORF nous a aussitôt appelés pour un film : Ski Extrem - Sonnblick Nordwand - si nous voulions bien repartir. Nous l'avons fait.

Nous sommes ensuite partis en tournée avec l'équipe de tournage. À l'époque, nous avions des fixations Lusser. Elles étaient horribles, car on était éjecté des fixations à pleine vitesse. Elles avaient mauvaise réputation et nous devions les fixer avec du fil de fer. Kurt est quand même tombé lors de cette descente au Sonnblick, car les fixations se sont ouvertes. Il a volé jusqu'en bas et ne s'est heureusement cassé qu'une jambe. C'était quasiment la première pierre des autres ascensions que nous avons faites, Albrecht et moi.

ALBRECHT : Ensuite, Manfred s'est lancé dans le Pallavicini Rinne au Grossglockner. Dans les médias, ils ont écrit qu'un Suisse allait venir skier dans le Pallavicini Rinne. Il s'agissait bien sûr de Sylvain Saudan.

MANFRED : Le Saudan était l'un des fondateurs, avant même le Holzer, il était déjà quelque part notre idole, nous l'admirions à l'époque.

ALBRECHT : Mais nous nous sommes dit : "Oui, sackradi, il n'a pas besoin de venir exprès de France, nous sommes bien plus près !"

MANFRED : Pour être juste, il faut aussi dire que deux personnes nous ont déjà précédés dans la descente en parapente. Au début des années 60.

ALBRECHT : Herbert Zacharias et Gerhard Winter.

MANFRED : Ensuite, nous voulions faire la face nord-est du Piz Rosegg et nous y étions déjà pour faire des reconnaissances. Mais peu après, Holzer est mort dans un accident et nous avons décidé de ne pas le faire.

Avant tout, il y avait encore la face est du Mont Rose. Kurt et moi l'avons parcourue. C'était une belle descente, nous avons eu beaucoup de chance. Il a sauté par-dessus une crevasse et, d'une manière ou d'une autre, il a trébuché et est tombé ; ça l'a retourné et il a glissé en arrière, la tête la première, dans la pente. Pas à une vitesse infernale, mais déjà rapidement. Je l'ai suivi, contourné, et j'ai pu l'arrêter. Nous nous étions entraînés à faire des culbutes, des sauts périlleux, des tonneaux et ainsi de suite. Comme nous nous étions entraînés de cette manière, nous nous sentions assez sûrs. Depuis la vallée, ils nous ont observés avec des jumelles et nous ont ensuite demandé, tout excités, lequel de nous deux était tombé.

En bas, nous avons même signé des autographes et la musique nous a accueillis. Les gens du village étaient fantastiques, nous y étions d'ailleurs invités de temps en temps. Nous étions déjà fiers de notre performance.

Cinq minutes après notre départ, une avalanche est tombée, un truc énorme. Un guide de montagne de là-bas n'arrêtait pas de répéter : "Danket Gott, Danket Gott". Ça a fait pas mal de bruit et de fracas. Une semaine plus tôt seulement, Sylvain Saudan avait parcouru le couloir Marinelli.

Après que tout se soit terminé au Mont Rose, je me suis demandé si tout cela était responsable. J'avais une petite fille de cinq mois et je me suis posé la question du sens. Soudain, je n'étais plus du tout fier. D'un côté, il y avait bien sûr l'envie et l'enthousiasme pour de telles entreprises, puisque nous savions que nous pouvions le faire, une certaine soif de reconnaissance aussi, je dois l'admettre et je ne veux pas non plus la minimiser, mais d'un autre côté, je me suis dit que le fait de le faire pour ma soif de reconnaissance n'était pas bon et j'ai donc décidé pour moi de ne plus rien faire en public.

ALBRECHT : Oui, nous en avons discuté à l'époque et nous en avons décidé ainsi. Mais nous avons tout de même envoyé la descente de la gorge de Pallavicini à Toni Hiebeler de l'Alpinisme, afin que ce qui s'est passé soit connu, au moins dans les milieux spécialisés, à titre documentaire pour ainsi dire. Il l'a d'ailleurs publié.

MANFRED : Je ressens la même chose avec ce film sur la descente à ski du Mont Saint-Elias. Ce sont de superbes images, un beau film, et les sportifs de montagne sont certainement très bons, mais je ne peux pas souscrire à l'affirmation selon laquelle on ne se sent soi-même que lorsqu'on est à la limite. La réponse à la question de savoir si l'on a besoin de ce genre de choses pour se sentir vivant n'est pas, à mon avis, en noir et blanc. Si quelqu'un veut le faire, personne ne peut le freiner de toute façon. Mais prendre tout cela pour ainsi dire comme une drogue, pour que la vie soit proche, je pense que c'est contre-productif. C'est pourquoi le film m'a parfois un peu retourné l'estomac.

ALBRECHT : De plus, nous avons vu que c'était vraiment dangereux. Deux personnes ont été victimes d'un accident au Sonnblick peu après nous, et également dans le couloir Pallavicini, mais il s'agissait de randonneurs sur glace. C'est la raison pour laquelle nous n'avons rien publié dans les journaux lors de la descente du Pallatsch (Idiom de Pallavicini Rinne). Bien sûr, ne pas en parler n'est pas non plus une vraie stratégie, puisque cela nous a quand même plu.

MANFRED : Une glissade et tu es au paradis ... Notre attitude était qu'il ne fallait surtout pas tomber. Une chute est interdite - heureusement, nous avions pris nos précautions. Mais il ne faut pas se faire d'illusions.

ALBRECHT : La face est du Göll était pour ainsi dire notre première randonnée d'essai commune. En haut, à l'entrée, c'était vraiment dur comme le pic, nous étions exclusivement sur les arêtes des skis, pas d'enfoncement des skis. C'était techniquement très difficile. Il faut pouvoir skier en toute sécurité. Sur le plan technique, je n'ai jamais été aussi bon que Manfred, j'étais plutôt kamikaze, car il fallait bien que je le suive. Mais quand c'est raide, il ne faut pas aller vite, il faut être sûr de soi, alors ça a marché aussi.

MANFRED : Oui, la face est du Göll, c'était dur. Rattertrrrrrrbrrrrrrrrrr, ça faisait du bruit à faire tomber les plombs des dents. Nous avions descendu la Pallatsch et pensions pouvoir la descendre facilement - mais non. Je l'ai déjà parcourue plusieurs fois entre-temps et elle n'est pas si difficile, le haut est juste un peu raide. Mais cette fois-ci, c'est vraiment trop dur.

ALBRECHT : Nous l'avons aussi vu dans le couloir Pallavicini. En haut, où c'est encore raide, c'était très dur, puis au milieu, c'était un rêve de skier, et en bas, nous avions une couche de neige dure à travers laquelle on ne pouvait plus passer. Là, c'était à nouveau difficile de skier. Il fallait sauter à chaque virage pour passer à travers le couvercle et avoir une bonne stabilité.

MANFRED : Misérable. Il y a de la neige cassante que l'on peut conduire parce qu'elle est prévisible, mais celle qui se casse et ne se casse pas, c'est très fatigant.

ALBRECHT : Toujours tchac, tchac, tchac. Toujours sautiller, et puis ça allait.

MANFRED : Haha, oui, et puis on attrape toujours la neige avec la main, on la frôle avec le gant, comme si on pouvait s'y accrocher d'une manière ou d'une autre. Tout le monde fait ça, mais ça ne sert à rien.

B : Jusqu'oĂą peut-on aller ?

MANFRED : C'est difficile à dire. Dans la face nord-ouest du Wiesbachhorn, j'ai remarqué qu'avec un seul virage, on se retrouve très vite cinq bons mètres plus bas. On descend alors très vite et très loin. Et c'est bien ainsi, car on freine aussi la course. On ne carve pas, on glisse beaucoup sur le côté pour garder le contrôle de la vitesse. Mais c'est une sensation géniale, c'est un peu addictif.

ALBRECHT : Hm, je ne sais pas, probablement qu'on peut vraiment skier très raide si toutes les circonstances annexes sont indifférentes.

MANFRED : Exactement, mais si on n'a pas le droit de tomber, alors lĂ  c'est une autre histoire.

ALBRECHT : Mais cela s'arrête vite, quand on est dans le mur et que le genou arrive déjà sous la poitrine, il n'est physiquement presque plus possible de rester stable.

MANFRED : La limite se resserre vite. Mais une chose est claire : plus c'est raide, pour autant que je n'aie pas à avoir peur, plus je déclenche facilement mon élan. Je n'ai presque pas besoin de pousser et je suis déjà un peu plus bas.

B : Comment vous êtes-vous préparés ?

MANFRED : Je suis allé trois fois au Mont Rose avant que ça ne marche. Ensuite, nous avons volé très haut. Le Dr Junge de Kästle nous a parrainés. Nous avons volé avec un Cessna de Hohenems à Sion, nous sommes montés avec un Pilatus, sommes passés sous le Balmenhorn, sommes allés à Margherita et sommes descendus. Là, deux personnes de l'avion étaient déjà mortes. Ils avaient tellement le mal de l'altitude qu'ils pouvaient à peine se tenir debout. Nous étions bien sûr habitués à l'altitude, nous sommes restés en haut et nous sommes partis le lendemain. Mais trois tentatives ont été nécessaires.

ALBRECHT : En revanche, le Pallavicini a tout de suite fonctionné. Comme la plupart des choses. Nous connaissions les conditions et les itinéraires, nous savions donc ce que nous faisions. Mais nous n'avions pas de préparation spéciale pour les parois raides, à part l'entraînement aux chutes.

B : En quoi consistait l'expérience pour vous?

MANFRED : La descente. Elle a toujours été la plus importante pour moi!

ALBRECHT : Je vois les choses un peu différemment, pour moi, la période qui précède a toujours été une folie absolue. Je faisais aussi beaucoup moins de ski que Manfred, des randonnées à ski normales certes, mais on ne peut pas du tout comparer. Et la montée vers le sommet était pour moi personnellement le pire. J'ai vraiment eu peur. Nous avons fait beaucoup d'escalades difficiles, mais là, je n'ai jamais eu aussi peur. La goulotte de Pallavicini est devenue de plus en plus raide dans ma tête. Jusqu'à ce que je pense que c'était impossible. Puis nous avons traversé la brèche depuis le Kleinglockner et c'est là que j'ai pu regarder en bas. À ce moment-là, une pierre m'est tombée du cœur et je me suis dit : "Ah, c'est pour elle que j'ai eu si peur ! Eh bien, ça va aller, ça correspond" ! C'est pourquoi la période qui a précédé a été si impressionnante pour moi. La descente elle-même était bien sûr super, après le premier virage, ça allait toujours.

B : Vous êtes montés par le couloir ou par l'extérieur?

ALBRECHT : La plupart du temps, vous montez par la voie normale.

MANFRED : Oui, même au Mont Rose. Y aller par la paroi, c'est de la connerie, puisqu'on y passe deux jours. Nous avons simplement passé la nuit sur la Margherita et nous l'avons traversée le matin, nous avons attendu en haut que le névé se soit formé et nous sommes partis. Mais nous avons déjà beaucoup exploré avant, nous avons bien étudié l'itinéraire. La préparation est aussi une période formidable. L'énergie et l'excitation, c'est vraiment bien. Mais c'est comme ça pour toute grande chose.

ALBRECHT : C'est vrai, de la première idée jusqu'à ce que ce soit prêt, jusqu'à ce que ce soit vrai.

MANFRED : Oui, la préparation. A l'époque, c'était très différent d'aujourd'hui. Sans ordinateur, sans bulletin météo et tout ça. Bien sûr, nous avions déjà une sorte de réseau dans lequel nous demandions les conditions, mais ce n'est pas du tout comparable à aujourd'hui.

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B : Quel était votre équipement?

ALBRECHT : C'était l'époque des skis courts. Avant, c'était les très longs skis avec bien plus de 2m, puis les courts comme skis de randonnée. Les miens faisaient 175 cm.

MANFRED : Les miens faisaient 180 cm. C'étaient des skis impeccables, de chez Kästle!

ALBRECHT : Comme fixation, des vieilles fixations à mâchoires avec un tirage bas et des câbles qui étaient tendus par un levier. Un ressort assurait la "sécurité". Pour la bloquer, nous l'avons bloquée avec du fil de fer, afin de garantir qu'elle ne s'ouvre pas. Si on tombe, on peut aussi bien tomber avec les skis, ça ne fait plus de différence.

MANFRED : J'avais aussi une chaussure en plastique Kastinger. Les premières chaussures en plastique qui existaient. L'entreprise était toutefois très en avance sur son temps avec ces chaussures. Mais la chaussure était trop droite pour moi, le modèle ne me suffisait donc pas et je l'ai modifiée de manière à pouvoir conduire mon modèle. J'ai alors développé un brevet qui permettait d'incliner la tige vers l'avant et de la fixer. Kastinger Senior m'a aussi racheté le brevet, mais je ne sais pas s'il a été réutilisé.

ALBRECHT : Pour mes chaussures, je pouvais choisir le modèle à ma guise : j'avais encore de vieilles patins en cuir, même pas très hauts, et vraiment vieux et usés. A lacer ! Mais je n'étais pas habitué à en avoir d'autres, donc ça allait.

MANFRED : Nous avons fait avec ce que nous avions, en nous fiant plus à nos capacités qu'au matériel. Albrecht était un incroyable skieur de montagne et de fond. Course aux vautours, course à la sève sauvage ... tout gagné. Avec des temps qui sont encore superbes aujourd'hui.

ALBRECHT : Ce qui est toujours décisif, c'est d'avoir vraiment une condition physique suffisante. Je me suis beaucoup amusé et je me suis beaucoup entraîné, je m'entraîne encore aujourd'hui.

MANFRED : En 1982, nous avons fait 6700 mètres de dénivelé et en haut du Hocheck, nous étions avec des lampes frontales, nous sommes descendus et un homme est venu à notre rencontre à quatre heures du matin. Nous lui avons alors dit : "Tu es en retard aujourd'hui, tu es en retard" ! Il nous a regardés à en perdre les yeux.

ALBRECHT : Manfred fait beaucoup de VTT, on y vit aussi de curieuses histoires.

MANFRED : Il y a quelques années, j'étais à vélo sur la Schlenkenrunde et j'ai rencontré une partie de Linz, des hommes un peu plus âgés que nous aussi, qui discutaient drôlement. Nous nous sommes assis et avons bu un verre ensemble. L'un d'entre eux raconte alors ce qu'il a vécu il y a des décennies dans le couloir Pallavicini. "Il était en train de monter quand quelque chose qu'il n'avait pas reconnu est venu à sa rencontre. C'étaient deux skieurs. L'un d'eux s'est approché de lui et lui a dit : "Quoi ? Vous montez ici à pied ? Boah ! Ce n'est pas raide et fatigant ?" Et il est parti ..." Le skieur, c'était moi ! 40 ans plus tard, nous nous sommes retrouvés, par hasard.

ALBRECHT : Oui, je m'en souviens bien aussi, je me suis tout de suite dit : "c'est encore typique de Manfred".

MANFRED : Eh bien, ça fait partie de l'image.

B : Après les Pallavicini, rien n'a plus jamais été rendu public sur vos voyages. Avez-vous arrêté ou simplement cessé de publier ?

MANFRED : Oui, la question du sens s'est de plus en plus posée. Par la suite, je n'en ai plus jamais parlé, même dans mon métier de conseiller en management dans le domaine de l'outdoor. Le ski de pente raide va plutôt dans le sens du risque, et ce n'est pas du tout ce qui est demandé dans le management. Chien sauvage - grand risque, ce n'était pas bon. Entre-temps, cela nous a laissé tranquilles pendant quasiment 30 ans, jusqu'à l'arrivée de l'équipe de ServusTV.

ALBRECHT : C'est alors que l'histoire des prétendus premiers skieurs est remontée à la surface. Nous avons skié dans le couloir Pallavicini et nous nous sommes demandé si nous allions publier cela. Nous avons décidé de ne pas le faire, mais de le publier dans "Alpinisme" pour que les initiés le sachent. Quelques jours plus tard, les journaux ont annoncé qu'un Carinthien avait effectué la première ascension de la gorge de Pallavicini. Deux jours après nous, la date était indiquée. Mais nous n'avons jamais rien fait pour rectifier cela, c'était surtout très désagréable pour nous. Puis le film de ServusTV est arrivé et des amis se sont rapidement manifestés pour se plaindre et nous traiter de "faux premiers". Il s'en est fallu de peu, de deux jours seulement, mais le patron de la Hofmannshütte nous a regardés et a confirmé que notre descente était la première.

MANFRED : Nous ne lui avons jamais fait de reproches et il n'a certainement pas fait exprès de publier cela de manière erronée à l'époque. Le réalisateur du film de ServusTV n'a même pas pu croire que cette publication n'était pas importante pour nous.

ALBRECHT : Pour comprendre pourquoi nous n'avons rien publié, il faut savoir quelle était l'attitude de l'alpinisme chez nous à l'époque. J'habitais encore en Styrie et je faisais beaucoup d'escalade. Nous ne faisions jamais notre sac à dos en public, nous nous cachions derrière les cabanes lorsque nous emballions et déballions tout le matériel d'escalade. Si on faisait ça devant tout le monde là-bas, devant les randonneurs, les touristes, on était un frimeur. Quand on nous demandait où on allait, on répondait : "Sur une montagne", sauf si on connaissait bien la personne. Il fallait tout laisser sortir de son nez, sinon on passait pour un vantard. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti à l'époque et c'est l'attitude que nous avions alors. Mais bien sûr, c'était aussi un peu "faux" pour nous-mêmes, car nous trouvions déjà ça super de pouvoir le faire.

B : Votre relation ? MANFRED : Oui, nous nous connaissons depuis très longtemps et avons eu des contacts presque toute notre vie. Il est vrai que cela a parfois diminué, mais nous avons toujours fait des choses ensemble.

ALBRECHT : C'est surtout pendant ma période d'athlétisme que nous n'avons pas fait beaucoup de choses ensemble.

MANFRED : Nous sommes souvent partis pour des ascensions hivernales et presque chaque année pour quelques jours dans les Alpes occidentales, cela crée des liens.

ALBRECHT : Il y a des expériences qui se gravent dans la mémoire, on ne les oublie plus.

MANFRED : De plus, nous entretenons notre amitié à un niveau très personnel, c'est bien.

B : Et comment était Kurt?

MANFRED : C'était un alpiniste très créatif, il a cherché beaucoup de premières ascensions, nous sommes aussi allés ensemble dans l'Hindou Kouch pour escalader un 7000. Pour ce genre de choses, il avait le bon flair. C'était un très bon alpiniste, mais pas vraiment un skieur hors pair. Il savait déjà skier, mais pas trop bien. Il se distinguait par une grande créativité et une évaluation sûre de la situation globale. Que faire et comment le faire, la préparation, il savait très bien le faire. Il était le porteur d'idées et aimait en parler, il avait un grand sens de l'honneur. Donc, disons qu'il n'était pas timide. Nous avons aussi fait des choses folles. Ascension hivernale de la Cime occidentale : par -27 degrés Celsius, nous étions allongés dans les hamacs, et nous avons fait demi-tour. J'aimais beaucoup Kurt et il me manque maintenant.

ALBRECHT : Oui, c'est ce que je ressens aussi.

B : OĂą va le ski de pente ?

MANFRED : On fera probablement ce qui est faisable. C'est inhérent à l'être humain. Les défis encore plus extrêmes seront certainement abordés.

ALBRECHT : C'est exactement comme ça que je vois les choses, bien que je ne me sois jamais orienté moi-même vers cela, dans aucun domaine. La plupart du temps, je me disais : mieux vaut faire un pas en arrière, trouver une autre idée et faire quelque chose de complètement différent.

MANFRED : Si on m'avait dit il y a 30 ans que quelqu'un ferait les trois grandes faces nord des Alpes en un jour, j'aurais parié ma maison et ma ferme contre. Mais c'est arrivé. Donc, il ne faut jamais dire jamais!

ALBRECHT : Nous n'étions pas à la limite, nous aurions pu faire encore mieux. Pour l'époque, c'était certainement progressif, mais on pouvait déjà faire plus extrême à l'époque.

MANFRED : Mon sentiment a toujours été que l'idée que je ne tomberais pas ne me ferait pas tomber non plus. Bien sûr, c'est une illusion, mais cela a fonctionné. Nous nous sommes entraînés à tomber, à faire des sauts périlleux, à skier sur un ski et à revenir sur les skis. Mais nous n'avons jamais voulu l'essayer en montagne. Je savais justement bien skier. Après m'être cassé la jambe, je ne pouvais skier que sur un seul ski et j'ai donc naturellement appris à le faire.

ALBRECHT : Sur l'Untersberg, nous nous sommes entraînés, parfois avec le ski droit, parfois avec le ski gauche, et finalement avec un seul ski et sans piquet. C'est là que ça devient amusant ...

MANFRED : Il fallait que les autres sachent très bien skier pour nous suivre, même si nous n'avions pas de piquets et un seul ski ! On acquiert aussi la musculature correspondante. Il y avait beaucoup d'arrogance à l'époque, ce n'était pas sérieux, on s'amusait.

ALBRECHT : MĂŞme dans le Pallavicini, on s'amusait, on pouvait beaucoup rire de nous-mĂŞmes.

MANFRED : Ohjeh, oui, quand je me souviens Ă  quel point tu puais lĂ  bas Ă  cause de la peur.

ALBRECHT : Je n'avais pas vraiment envie de rire, mais la puanteur était vraiment horrible. J'avais l'impression de me décomposer de l'intérieur, plus rien ne fonctionnait.

MANFRED : Je t'ai dit : juste là, tu fais un swing. Et hop ! Là, tu as fait le swing et ça a marché. A partir de là, nous n'avons plus eu de problèmes pour descendre.

ALBRECHT : Exactement. Avant, le chaussage des skis était délicat. Je me disais qu'il ne fallait surtout pas que je perde quelque chose qui puisse tomber dans l'abîme...

MANFRED : Ensuite, nous en avons encore souvent parlé, mais pas en nous vantant de nos exploits, plutôt en souriant.

ALBRECHT : Surtout parce que c'est tellement relatif. Au-dessus, il y a encore tellement de choses, beaucoup plus difficiles, beaucoup plus risquées, nous n'avions pas besoin de nous sentir supérieurs. En escalade, j'étais beaucoup plus à la limite.

Le 28 mars 2013, Manfred Oberegger est décédé dans une avalanche dans le sud du Niederen Tauern. A 70 ans, il faisait encore beaucoup de randonnées à ski et également du "freeride" dans les domaines skiables autour de Salzbourg - toujours avec le matériel le plus récent et dans la meilleure humeur. Il avait sans aucun doute de nombreux amis et était presque une légende vivante pour la jeune génération d'alpinistes, dont on parlait avec une bonne dose de respect et beaucoup de sympathie.

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