Tours d'hiver et de printemps des deux côtés de l'Inn
L'Inn inférieur, large et lourd, comme conscient de son importance, roule ses eaux à travers la vaste vallée vers la frontière nord du Tyrol. Depuis des temps immémoriaux, la fière rivière est suivie par une route principale du trafic des peuples, sur laquelle, au cours d'innombrables siècles, une foule bigarrée a remonté et descendu le fleuve. (...)
Les montagnes qui se dressent à gauche et à droite n'avaient aucun attrait pour les voyageurs. Les parois abruptes du côté nord de la vallée pouvaient bien leur inspirer de la terreur plutôt que d'attirer leur attention, les immenses forêts de l'autre côté de la vallée recelaient certainement un jour toutes sortes de dangers : Maître Petz y vivait et, dans les temps les plus reculés, plus d'un coq audacieux chevauchait depuis certains châteaux lorsque le gardien avait signalé l'approche d'un convoi de chariots. La bénédiction des montagnes attira ici et là des écuyers assidus, et de fiers châteaux partirent d'audacieux pâtres vers de joyeux pâturages ; les forêts furent défrichées, les paysans gagnèrent du terrain pour leurs activités pacifiques, et partout s'élevèrent des villages, des marchés et des villes ; c'est ainsi que la belle, large et agréable vallée de l'Inn inférieur devint peu à peu l'une des vallées les plus bénies et les plus richement cultivées du Tyrol.
Mais tandis qu'au fond de la vallée, l'homme travailleur et ambitieux prenait de plus en plus possession de toutes les terres cultivables, les hautes montagnes, pour autant que le mineur n'y extrayait pas de précieux minerais ou n'y extrayait pas le sel indispensable à l'homme, restaient silencieuses et solitaires, gardiennes de la vie active qui se déroulait à leurs pieds. Hormis le chasseur à l'affût, il était rare que des personnes isolées se rendent sur ces hauteurs ensoleillées, dont la beauté et la richesse échappaient encore à l'homme. Ce n'est qu'à une époque relativement récente que l'humanité a compris l'inestimable source de plaisirs que nous aimons aujourd'hui dans les montagnes, et de nouvelles troupes animent maintenant les anciennes routes militaires, d'où elles partent vers leurs montagnes bien-aimées et pénètrent dans toutes les vallées latérales, remplissant les coins les plus reculés des hautes vallées d'une joie exultante.
Et ces derniers temps, de nouveaux admirateurs de la montagne sont apparus : la raquette nordique a ôté à l'hiver alpin nombre de ses horreurs et a fait découvrir à l'homme des beautés nouvelles, insoupçonnées et incomparables. Elle a également fait en sorte que bien des sommets de moyenne altitude, d'ordinaire à peine remarqués par les alpinistes de haut vol, et tranquillement verdoyants en été, ont soudain été mis à l'honneur, et que bien des vallées tranquilles, qui ne voyaient d'ordinaire que quelques visiteurs, même en été, et qui étaient totalement isolées du monde en hiver, se sont soudain remplies d'une vie souvent très joyeuse.
Les amis de la beauté hivernale des montagnes sont devenus si nombreux que l'on entend même dire qu'il n'y a plus guère de coins vraiment tranquilles en hiver. Mais c'est souvent une exagération. Le vaste monde alpin ne sera sans doute jamais complètement rempli de l'agitation humaine et il suffit parfois de s'écarter de quelques pas des chemins habituels de la foule pour pénétrer dans un monde encore presque intact - du moins en hiver - où l'originalité et le silence qui nous permettent d'entrer en interaction si intime avec la nature sont encore chez eux.
Les charmantes vallées latérales peu connues de la vallée inférieure de l'Inn, l'Alpbachtal, la Wildschönau et les branches sud de la vallée qui débouchent dans la vallée inférieure de Brixen, la Kelchsau et ses vallées, et la Windautal, constituent entre autres un tel monde silencieux. Bien que directement accessibles par la route de l'Inntal, ces vallées et leurs magnifiques champs de neige hivernaux sont tout à fait étrangers à la foule.
Mais même des régions très fréquentées peuvent encore nous faire goûter tous les charmes d'une solitude intacte, si nous nous en approchons à une époque où le grand flot des voyageurs ne déferle pas encore ou plus. J'en ai souvent fait l'expérience, et si je parle dans les lignes qui suivent des "montagnes silencieuses de la vallée inférieure de l'Inn", je peux aussi ajouter à la foule des montagnes de la rive droite de l'Inn, qui rêvent dans un calme abandon, les sommets du groupe du Rofang, d'ordinaire si animé, qui m'ont offert au début du printemps des choses si belles et inoubliables.